lundi 8 novembre 2010

Laïcité, j'écris ton nom...

L'affaire de la crèche Baby Loup m'interpelle...
On parle de droit du travail, de discrimination, la Halde a été saisie et a condamné la crèche, structure privée, à payer des indemnités à l'employée voilée qu'elle avait licenciée pour ce motif (bien que ce soit stipulé dans les statuts de l'entreprise). Soit. La Halde a fait son boulot, elle a rendu justice à une salariée manifestement discriminée en raison de ses opinions religieuses.
Sauf que...

Sauf que la crèche réagit au nom du principe de laïcité, cher à sa fondatrice et à pas mal de démocrates français.
La laïcité à la française, ce concept complètement hermétique aux autres nationalités, et surtout aux Américains, dont la mise en place a occasionné pas mal de conflits à l'époque : même sans être féru d'Histoire, tout le monde a un peu entendu parler de la séparation des églises et de l'Etat, ou au moins des lois Ferry sur l'instruction publique (pour une instruction obligatoire, gratuite et laïque).
Cette laïcité inscrite dans la Constitution, qui a replacé le religieux dans la stricte sphère privée (ce qui n'était pas gagné dans la France fortement catholique de l'époque, arc-boutée sur sa vieille position de "fille aînée de l'Eglise"), faisant -normalement- de la sphère publique un espace dénué de conflits à dimension religieuse. Et qui souffre de la montée des communautarismes, qui s'appuient si bien sur les religions...

Sauf que la présidence de la Halde a changé de mains. Et que sa nouvelle présidente, enfant d'immigrés élevée dans une république laïque (tiens tiens) sort de son "devoir de réserve" et se prononce contre l'avis rendu par la Halde sous la présidence précédente. Au point d'aller témoigner aux prud'hommes en faveur de la crèche.

Sauf que, comme dans La guerre des Rose, l'histoire vire au sordide. L'employée licenciée accuse son ex-patronne d'être un tyran raciste, laquelle rétorque que sans cet emploi chez Baby Loup, l'employée en question serait restée une femme au foyer sans compétences. Et que d'ailleurs, quand elle a commencé à travailler chez Baby Loup, elle ne portait pas le voile...

Sauf que (et c'est là que l'affaire devient grave et dépasse le cadre d'un conflit employeur-employé) l'employée licenciée réclame 80 000€ de dommages-intérêt. Somme considérable pour une crèche, qui condamnerait Baby-Loup à fermer. Or cette crèche, implantée dans un quartier "sensible", est la seule de France ouverte 7 jours sur 7, et 24h/24, permettant à nombre de mères célibataires et/ou en horaires décalés de travailler. Alors qu'il est si difficile de trouver une place en crèche dans les grandes villes, alors que cette crèche est régulièrement citée en exemple, alors que c'est un modèle de crèche qui devrait "faire des petits", c'est un conflit interpersonnel (prenant appui sur le droit, la religion etc) qui risque de tout fiche par terre.
Et de décourager toutes les initiatives privées qui tentent de suppléer les manques de l'Etat, qui refuse d'élargir les horaires des crèches publiques sous prétexte que ce serait trop cher...

Verdict des prud'hommes aujourd'hui...

Au sujet de la laïcité, de l'intégration, de Baby Loup et de beaucoup d'autres choses, voir notamment le dossier monté par Elle.fr au sujet de cette affaire - je suis particulièrement sensible au concept de "discrimination indirecte" qui toucherait, en cas de fermeture, les mamans usant des services de Baby Loup.

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